ARRÊT DU 19. 9. 2000 - AFFAIRES JOINTES C-177/99 ET C-181/99
ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
19 septembre 2000 *
Dans les affaires jointes C-177/99 et C-181/99,
ayant pour objet des demandes adressées à la Cour, en application de l'article 177
du traité CE (devenu article 234 CE), par les tribunaux administratifs de Nantes
(C-177/99) et de Melun (C-181/99) (France) et tendant à obtenir, dans les litiges
pendants devant ces juridictions entre
Ampafrance SA
et
Directeur des services fiscaux de Maine-et-Loire (C-177/99)
et entre
Sanofi Synthelabo, anciennement Sanofi Winthrop SA,
et
Directeur des services fiscaux du Val-de-Marne (C-181/99),
une d cision titre pr judiciel sur la validit de la d cision 89/487/CEE du
Conseil, du 28 juillet 1989, autorisant la R publique fran aise appliquer une
mesure d rogatoire l'article 17 paragraphe 6 deuxi me alin a de la sixi me
directive 77/388/CEE en mati re d'harmonisation des l gislations des tats
membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (JO L 239, p. 21),
* Langue de proc dure: le fran ais.
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AMPAFRANCE ET SANOFI
LA COUR (cinqui me chambre),
compos e de MM. D. A. O. Edward, pr sident de chambre, L. Sev n,
P. J. G. Kapteyn, H. Ragnemalm et M. Wathelet (rapporteur), juges,
avocat g n ral: M. G. Cosm s,
greffier: M. H. A. Rühi, administrateur principal,T
consid rant les observations crites pr sent es:
— pour Ampafrance SA, par Mes J.-C. Bouchard et O. Cortez, avocats au
barreau des Hauts-de-Seine,
— pour Sanofi Synthelabo, par M. J.-C. Leroy, directeur financier,
— pour le gouvernement fran ais, par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur
la direction des affaires juridiques du minist re des Affaires trang res, et
M. S. Seam, secr taire des affaires trang res la m me direction, en qualit
d'agents,
— pour le Conseil de l'Union europ enne, par M. J. Monteiro, conseiller
juridique, et Mme M.-J. Vernier, membre du service juridique, en qualit
d'agents,
— pour la Commission des Communaut s europ ennes, par M. E. Traversa,
conseiller juridique, et Mme H. Michard, membre du service juridique, en
qualit d'agents,
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vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Ampafrance SA, repr sent e par
Mes J.-C. Bouchard et O. Cortez, de Sanofi Synthelabo, repr sent e par
Mes B. Geneste et O. Davidson, avocats au barreau des Hauts-de-Seine, du
gouvernement fran ais, repr sent par M. S. Seam, du Conseil, repr sent par
M. J. Monteiro et Mme M.-J. Vernier, et de la Commission, repr sent e par
Mme H. Michard, l'audience du 27 janvier 2000,
ayant entendu l'avocat g n ral en ses conclusions l'audience du 23 mars 2000,
rend le pr sent
Arr t
1 Par jugements du 3 d cembre 1998 et du 11 mai 1999, parvenus la Cour
respectivement les 14 et 17 mai 1999, les tribunaux administratifs de Melun
(C-181/99) et de Nantes (C-177/99) ont pos chacun, en vertu de l'article 177 du
trait CE (devenu article 234 CE), une question pr judicielle relative la validit
de la d cision 89/487/CEE du Conseil, du 28 juillet 1989, autorisant la
R publique fran aise appliquer une mesure d rogatoire l'article 17 paragraphe
6 deuxi me alin a de la sixi me directive 77/388/CEE en mati re
d'harmonisation des l gislations des tats membres relatives aux taxes sur le
chiffre d'affaires (JO L 239, p. 21).
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AMPAFRANCE ET SANOFI
2 Ces questions ont t soulev es dans le cadre de deux litiges opposant, d'une part,
la soci t Ampafrance SA (ci-apr s Ampafrance ) (C-177/99) et, d'autre part, la
soci t Sanofi Winthrop SA, devenue, la suite d'op rations de fusionabsorption,
Sanofi, le 12 mai 1998, puis Sanofi Synthelabo, le 18 mai 1999 (ciapr s
Sanofi ) (C-181/99), l'administration fiscale au sujet de redressements
fiscaux appliqu s ces soci t s fond s sur l'exclusion du droit d duction de la
taxe sur la valeur ajout e (ci-apr s la TVA ) pour les d penses de logement, de
restaurant, de r ception et de spectacles.
Le cadre juridique
La r glementation communautaire
3 Aux termes de l'article 2, deuxi me alin a, de la premi re directive 67/227/CEE
du Conseil, du 11 avril 1967, en mati re d'harmonisation des l gislations des
tats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (JO 1967, 71, p. 1301,
ci-apr s la premi re directive ) :
chaque transaction, la taxe sur la valeur ajout e, calcul e sur le prix du bien
ou du service au taux applicable ce bien ou ce service, est exigible d duction
faite du montant de la taxe sur la valeur ajout e qui a grev directement le co t
des divers l ments constitutifs du prix.
4 L'article 17 de la sixi me directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en
mati re d'harmonisation des l gislations des tats membres relatives aux taxes
sur le chiffre d'affaires — Syst me commun de taxe sur la valeur ajout e: assiette
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uniforme (JO L 145, p. 1, ci-apr s la sixi me directive ), qui r git le droit pour
les assujettis la d duction de la TVA acquitt e en amont, pr voit, en son
paragraphe 2, sous a):
Dans la mesure o les biens et les services sont utilis s pour les besoins de ses
op rations tax es, l'assujetti est autoris d duire de la taxe dont il est redevable:
a) la taxe sur la valeur ajout e due ou acquitt e pour les biens qui lui sont ou lui
seront livr s et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre
assujetti .
5 L'article 17, paragraphe 6, de la sixi me directive comporte une clause de gel (ou
de standstill ) pr voyant le maintien des exclusions nationales du droit
d duction de la TVA qui taient applicables avant l'entr e en vigueur de la
sixi me directive, c'est- -dire avant le 1er janvier 1979. Cette disposition est ainsi
libell e:
Au plus tard avant l'expiration d'une p riode de quatre ans compter de la date
d'entr e en vigueur de la pr sente directive, le Conseil, statuant l'unanimit sur
proposition de la Commission, d terminera les d penses n'ouvrant pas droit
d duction de la taxe sur la valeur ajout e. En tout tat de cause, seront exclues du
droit d duction les d penses n'ayant pas un caract re strictement professionnel,
telles que les d penses de luxe, de divertissement ou de repr sentation.
Jusqu' l'entr e en vigueur des r gles vis es ci-dessus, les tats membres peuvent
maintenir toutes les exclusions pr vues par leur l gislation nationale au moment
de l'entr e en vigueur de la pr sente directive.
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AMPAFRANCE ET SANOFI
6 A ce jour, les r gles communautaires vis es l'article 17, paragraphe 6, premier
alin a, de la sixi me directive n'ont pas encore t adopt es, d faut d'un accord
au sein du Conseil sur les d penses pour lesquelles une exclusion du droit
d duction de la TVA peut tre envisag e.
7 L'article 27 de la sixi me directive pr voit:
1. Le Conseil, statuant l'unanimit sur proposition de la Commission, peut
autoriser tout tat membre introduire des mesures particuli res d rogatoires
la pr sente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d' viter
certaines fraudes ou vasions fiscales. Les mesures destin es simplifier la
perception de la taxe ne peuvent influer, sauf de fa on n gligeable, sur le montant
de la taxe due au stade de la consommation finale.
2. L' tat membre qui souhaite introduire des mesures vis es au paragraphe 1 en
saisit la Commission et lui fournit toutes les donn es utiles d'appr ciation.
3. La Commission en informe les autres tats membres dans un d lai d'un mois.
4. La d cision du Conseil sera r put e acquise si, dans un d lai de deux mois
compter de l'information vis e au paragraphe 3, ni la Commission, ni un tat
membre n'ont demand l' vocation de l'affaire par le Conseil.
5. ...
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La r glementation nationale
8 En France, l'exclusion du droit d duction de la TVA pour les d penses de
logement, de restaurant, de r ception et de spectacles a t progressivement
instaur e entre 1967 et 1979.
9 Les dispositions excluant le droit d duction concernant certains biens et services
qui taient applicables avant le 1er janvier 1979, date de l'entr e en vigueur de la
sixi me directive, figuraient aux articles 7 et 11 du d cret n 67-604, du 27 juillet
1967 (JORF du 28 juillet 1967, p. 7541, ci-apr s le d cret n 67-604 ).
10 L'article 7 de ce d cret disposait:
La taxe aff rente aux d penses expos es pour assurer le logement ou
l'h bergement des dirigeants et du personnel des entreprises n'est pas d ductible.
Toutefois, cette exclusion ne concerne pas la taxe aff rente aux d penses expos es
pour assurer, sur les lieux du travail, le logement gratuit du personnel salari
charg de la s curit ou de la surveillance d'un ensemble industriel ou commercial
ou d'un chantier de travaux.
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AMPAFRANCE ET SANOFI
11 Selon l'article 11 du d cret n 67-604:
La taxe aff rente aux d penses expos es pour assurer la satisfaction des besoins
individuels des dirigeants et du personnel des entreprises, et notamment celle
aff rente aux frais de r ception, de restaurant et de spectacle, n'est pas d ductible.
Toutefois, cette exclusion ne concerne pas les d penses aff rentes:
A des biens qui constituent des immobilisations et qui sont sp cialement affect s
sur les lieux m mes du travail la satisfaction collective des besoins du personnel;
Aux v tements de travail ou de protection attribu s par une entreprise son
personnel.
12 Le d cret n 79-1163, du 29 d cembre 1979 (JORF du 31 d cembre 1979,
p. 3333, ci-apr s le d cret n 79-1163 ), adopt apr s l'entr e en vigueur de la
sixi me directive, a pr vu, son article 25, le remplacement de l'article 236 de
l'annexe II du code g n ral des imp ts par le texte suivant:
N'est pas d ductible la taxe ayant grev des biens ou services utilis s par des
tiers, par des dirigeants ou le personnel de l'entreprise, tels que le logement ou
l'h bergement, les frais de r ception, de restaurant, de spectacles ou toute d pense
ayant un lien direct ou indirect avec les d placements ou la r sidence.
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Toutefois, cette exclusion ne concerne pas les v tements de travail ou de
protection, les locaux et le mat riel mis disposition du personnel sur les lieux de
travail, le logement gratuit du personnel salari charg sur les lieux du travail de
la s curit ou de la surveillance.
13 Le Conseil d' tat, dans son arr t du 3 f vrier 1989, Compagnie Alitalia (ci-apr s
l' arr t Alitalia ), a jug que l'article 25 du d cret n 79-1163 tait entach
d'invalidit en ce qu'il excluait le droit d duction de la TVA ayant grev tous les
biens et les services utilis s par des tiers, m connai[ssant] ainsi l'objectif de nonextension
des exclusions existantes, d fini l'article 17, paragraphe 6, de la
sixi me directive .
14 la suite de l'arr t Alitalia, la R publique fran aise a, par lettre du 13 avril 1989,
demand au Conseil, sur le fondement de l'article 27, paragraphe 1, de la sixi me
directive, pouvoir introduire jusqu' l'entr e en vigueur des dispositions
d finitives de l'article 17, paragraphe 6, de la sixi me directive une d rogation
aux dispositifs de cet article afin d'introduire dans sa l gislation une disposition
qui exclut la d duction des d penses de logement, de restaurant, de r ception et
de spectacles .
15 Selon le gouvernement fran ais,
Cette mesure particuli re est destin e viter la fraude et les vasions fiscales
qui r sulteraient de la d taxation de d penses qui constituent des consommations
finales par nature. Les risques de fraude et d' vasion fiscales sont importants
puisque les entreprises seront incit es prendre en charge, sous la forme
d'avantages en nature ou de cadeaux, des consommations finales d tax es et ne
pas distinguer correctement les d penses concernant les dirigeants et le personnel
et celles relatives aux tiers.
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AMPAFRANCE ET SANOFI
Toutefois, l'exclusion ne concernerait pas:
— les d penses support es par un assujetti pour la fourniture titre on reux de
logement, de repas, d'aliments ou de boissons;
— les d penses relatives la fourniture titre gratuit du logement sur les
chantiers ou dans les locaux d'une entreprise du personnel de s curit , de
gardiennage ou de surveillance;
— les d penses support es par un assujetti du fait de la mise en jeu de sa
responsabilit contractuelle ou l gale l' gard de ses clients (exemple:
d penses d'h bergement et de nourriture expos es par une compagnie
a rienne au profit des passagers et cons cutives arr t prolong dans un
a roport).
16 Le 28 juillet 1989, le Conseil a adopt la d cision 89/487. Suivant ses deuxi me et
troisi me consid rants:
... la R publique fran aise a, par lettre enregistr e la Commission le 17 avril
1989, sollicit l'autorisation d'introduire une mesure particuli re d rogatoire aux
dispositions de l'article 17 paragraphe 6 deuxi me alin a de ladite directive;
... certaines livraisons et prestations destin es un assujetti et concernant
notamment des d penses de repr sentation de cet assujetti sont exclues, en
France, du droit d duction, conform ment l'article 17 paragraphe 6
deuxi me alin a de la sixi me directive... ladite mesure vise exclure du droit
d duction de la taxe sur la valeur ajout e (TVA) dont elles ont t grev es
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d'autres d penses de logement, de restaurant, de r ception et de spectacles, afin
d' viter la fraude ou des vasions fiscales... l'exclusion ne concerne pas les
d penses support es par un assujetti pour la fourniture titre on reux, par ce
m me assujetti, de logements, de repas, d'aliments ou de boissons, ni les d penses
relatives la fourniture titre gratuit du logement sur les chantiers ou dans les
locaux d'une entreprise du personnel de s curit , de gardiennage ou de
surveillance, ni les d penses support es par un assujetti du fait de la mise en
jeu de sa responsabilit contractuelle ou l gale l' gard de ses clients .
17 L'article 1er de la d cision 89/487 pr voit que:
1. Par d rogation aux dispositions de l'article 17 paragraphe 6 deuxi me alin a
de la sixi me directive, la R publique fran aise est autoris e, titre temporaire et
au plus tard jusqu' l'entr e en vigueur des r gles communautaires qui
d termineront le traitement des d penses vis es au premier alin a dudit
paragraphe, exclure du droit d duction de la taxe sur la valeur ajout e dont
elles ont t grev es, les d penses de logement, de restaurant, de r ception et de
spectacles.
2. L'exclusion vis e au paragraphe 1 n'est pas applicable:
— aux d penses support es par un assujetti relatives la fourniture titre
on reux par cet assujetti de logements, de repas, d'aliments ou de boissons,
— aux d penses relatives la fourniture titre gratuit du logement sur les
chantiers ou dans les locaux d'une entreprise du personnel de s curit , de
gardiennage ou de surveillance,
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AMPAFRANCE ET SANOFI
— aux d penses support es par un assujetti du fait de la mise en jeu de sa
responsabilit contractuelle ou l gale l' gard de ses clients.
18 A la suite de la d cision 89/487, le gouvernement fran ais a, par l'article 4 du
d cret n 89-885, du 14 d cembre 1989 (JORF du 15 d cembre 1989, p. 15578),
modifi le texte de l'article 236 de l'annexe II du code g n ral des imp ts. Cet
article est d sormais r dig comme suit:
... A titre temporaire, la taxe sur la valeur ajout e qui a grev les d penses de
logement, de restaurant, de r ception et de spectacles est exclue du droit
d duction.
Toutefois, cette exclusion n'est pas applicable:
1 Aux d penses support es par un assujetti relatives la fourniture titre
on reux par cet assujetti de logements, de repas, d'aliments ou de boissons.
2 Aux d penses relatives la fourniture titre gratuit du logement sur les
chantiers ou dans les locaux d'une entreprise du personnel de s curit , de
gardiennage ou de surveillance.
3 Aux d penses support es par un assujetti du fait de la mise en jeu de sa
responsabilit contractuelle ou l gale l' gard de ses clients.
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Les litiges au principal
Affaire C-177/99
19 Ampafrance supporte, dans le cadre de l'exercice de son activit commerciale,
diverses d penses de logement, de restaurant, de r ception et de spectacles. Elle a
d duit la TVA ayant grev les d penses de logement, de restaurant, de r ception et
de spectacles engag es, tant pour son personnel que pour des tiers, en juin 1993.
20 Le 30 novembre 1993, l'administration fiscale a adress Ampafrance un avis de
mise en recouvrement d'un montant de 252 086 FRF, correspondant la TVA
d duite au titre des d penses sus-mentionn es. Ce redressement tait fond sur
l'article 236 de l'annexe II du code g n ral des imp ts, qui a transpos en droit
fran ais la d cision 89/487 et exclut du droit d duction la TVA grevant les
d penses de logement, de restaurant, de r ception et de spectacles.
21 La r clamation d'Ampafrance contre cet avis ayant fait l'objet d'une d cision de
rejet par les services fiscaux de Maine-et-Loire, Ampafrance a form un recours
contre cette d cision devant le tribunal administratif de Nantes.
22 Dans le cadre de son recours, Ampafrance a demand la restitution de la somme
qu'elle avait acquitt e au titre de la TVA raison des op rations du mois de juin
1993 et, titre subsidiaire, la saisine de la Cour titre pr judiciel sur la question
de la validit de la d cision 89/487.
I - 7062
AMPAFRANCE ET SANOFI
Affaire C-181/99
23 En 1995, l'administration fiscale, se fondant galement sur l'article 236 de
l'annexe II du code g n ral des imp ts, a adress aux laboratoires Choay, Millot
Solac et Clin Midy des avis de mise en recouvrement d'un montant de,
respectivement, 260 524 FRF pour le laboratoire Choay, 661 796 FRF pour le
laboratoire Millot Solac, et 635 422 FRF pour le laboratoire Clin Midy,
correspondant la d duction par ces derniers de la TVA aff rente des d penses
de r ception expos es au profit de fournisseurs et de clients au cours des mois de
novembre et d cembre 1993.
24 Les r clamations introduites l'encontre de ces avis de mise en recouvrement
ayant t rejet es par d cisions du directeur des services fiscaux du Val-de-Marne,
Sanofi, venant aux droits et obligations des laboratoires Choay, Millot Solac et
Clin Midy, a form un recours contre ces d cisions devant le tribunal
administratif de Paris. la suite de la cr ation du tribunal administratif de
Melun, l'affaire a t renvoy e devant cette juridiction, territorialement
comp tente.
25 Devant le tribunal administratif de Melun, Sanofi a soutenu notamment que la
d cision 89/487, sur laquelle est fond l'article 236 de l'annexe II du code g n ral
des imp ts, tait invalide. Elle a avanc cet gard cinq motifs d'invalidit dont
quatre ont t cart s par le tribunal. Par son cinqui me moyen, Sanofi a soutenu
que la d cision 89/487 violait le principe communautaire de proportionnalit .
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ARR T DU 19. 9. 2000 - AFFAIRES JOINTES C-177/99 ET C-181/99
Les questions pr judicielles
26 Dans l'affaire C-177/99, le tribunal administratif de Nantes a d cid de surseoir
statuer et de poser la Cour la question suivante:
Consid rant que la solution du litige est subordonn e au point de savoir si les
dispositions de la d cision du Conseil des Communaut s europ ennes en date du
28 juillet 1989 autorisant le gouvernement fran ais d roger au gel instaur par
la sixi me directive 77/388/CEE du Conseil des Communaut s europ ennes en
date du 17 mai 1977 et tendre aux tiers les exclusions de d duction de taxe
pour les d penses de logement, de restaurant, de r ception et de spectacles sont
conformes, d'une part, aux objectifs de la sixi me directive et notamment son
article 27 qui sp cifie que 'le Conseil, statuant l'unanimit sur proposition de la
Commission, peut autoriser tout tat membre introduire des mesures
particuli res d rogatoires la pr sente directive, afin de simplifier la perception
de la taxe ou d' viter certaines fraudes ou vasions fiscales', et, d'autre part, au
principe de proportionnalit entre l'objectif fiscal poursuivi et les moyens mis en
oeuvre; que la r ponse donn e cette question, dont la solution n'est pas claire,
permettra seule d'appr cier le bien-fond des moyens de la requ te .
27 Dans l'affaire C-181/99, le tribunal administratif de Melun a jug que:
... il est constant que l'autorisation temporaire d'exclure du droit d duction la
taxe ayant grev la totalit des d penses de logement, de restaurant, de r ception
et de spectacles support es par un assujetti n'a pas t motiv e par le constat
d'une fraude ou d'une vasion fiscale syst matique qu'auraient suscit es de telles
d penses mais par la pr somption d coulant de leur caract re mixte qui les fait se
pr ter ais ment de tels errements; que, si l'administration justifie n anmoins le
bien-fond de cette mesure d'exclusion syst matique [du droit d duction de la
TVA ayant grev lesdites d penses] par la difficult de la mise en place d'un
dispositif efficace de contr le du caract re professionnel desdites d penses, la
d duction de celles-ci des b n fices imposables l'imp t sur les soci t s ou
l'imp t sur le revenu, qui est admise par les dispositions de l'article 39.5.b et f du
code g n ral des imp ts, fait l'objet d'un tel contr le, sur pi ce ou sur place, par
I - 7064
AMPAFRANCE ET SANOFI
les services fiscaux sous le contr le du juge de l'imp t, dont les modalit s sont
l' vidence transposables, nonobstant la diff rence des conditions de d claration et
de collecte des impositions en cause; que l'objectif poursuivi pourrait galement
tre atteint par une limitation forfaitaire du montant des d ductions autoris es;
qu'ainsi, et eu gard la circonstance que cette mesure d rogatoire, de port e
g n rale et absolue, fait obstacle la d duction de la taxe ayant grev des
d penses dont le caract re strictement professionnel ne serait pas contest , il y a
lieu de s'interroger s rieusement sur le caract re strictement n cessaire et
proportionn aux objectifs poursuivis de la d rogation accord e la R publique
fran aise par... [la d cision 89/487] .
28 En cons quence, il a d cid :
... de surseoir statuer sur les conclusions de la requ te tendant la d charge
des impositions litigieuses jusqu' ce que la Cour de justice des Communaut s
europ ennes se soit prononc e sur la validit , au regard du principe de
proportionnalit , de la d cision... [89/487] .
29 Par ordonnance du pr sident de la cinqui me chambre du 18 novembre 1999, les
deux affaires ont t jointes aux fins de la proc dure orale et de l'arr t.
Sur les questions pr judicielles
30 Par leurs questions pr judicielles, les deux juridictions de renvoi interrogent la
Cour en substance sur la validit de la d cision 89/487.
I - 7065
ARR T DU 19. 9. 2OO0 — AFFAIRES JOINTES C-177/99 ET C-181/99
31 Avant d'examiner la validit de la d cision 89/487, il convient d'en pr ciser la
port e.
Sur la port e de la d cision 89/487
32 Pour les demanderesses au principal, il ressort du libell m me de la d cision
89/487, qui reproduit la demande de d rogation introduite par le gouvernement
fran ais, que la port e de la d rogation accord e est g n rale et vise l'ensemble
des d penses de logement, de r ception, de restaurant et de spectacles, sans
distinguer selon qu'elles ont t engag es au profit des dirigeants ou du personnel
de l'entreprise ou en faveur des tiers l'entreprise, ou selon qu'elles ont t
engag es des fins professionnelles ou pour satisfaire des besoins individuels. Par
cons quent, si la Cour devait juger que la d cision 89/487 est invalide, ce serait
l'exclusion du droit d duction de la TVA grevant ce type de d penses qui
deviendrait dans son ensemble inapplicable en France.
33 Pour le gouvernement fran ais et la Commission, m me si la d cision 89/487, qui
reproduit la demande de d rogation du gouvernement fran ais, vise de mani re
g n rale les d penses de logement, de r ception, de restaurant et de spectacles, sa
port e est en r alit plus limit e et ne vise que les d penses de logement, de
r ception, de restaurant et de spectacles engag es au profit de tiers l'entreprise.
Cette interpr tation restrictive serait fond e sur l'arr t Alitalia, dans lequel le
Conseil d' tat n'a jug l'article 25 du d cret n 79-1163 contraire l'article 17,
paragraphe 6, de la sixi me directive qu'en ce qu'il excluait du droit d duction
de la TVA les d penses de logement, de restaurant, de r ception et de spectacles
engag es au profit de tiers l'entreprise.
34 Il convient de rappeler que, selon le principe fondamental inh rent au syst me de
TVA et r sultant des articles 2 des premi re et sixi me directives, la TVA
s'applique chaque transaction de production ou de distribution, d duction faite
de la TVA qui a grev directement les op rations effectu es en amont (arr t du
6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, point 16). Selon une
I - 7066
AMPAFRANCE ET SANOFI
jurisprudence constante, le droit d duction pr vu aux articles 17 et suivants de
la sixi me directive fait partie int grante du m canisme de TVA et ne peut en
principe tre limit . Il s'exerce imm diatement pour la totalit des taxes ayant
grev les op rations effectu es en amont (voir, notamment, arr ts BP Soupergaz,
pr cit , point 18, et du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 C-147/98, Rec.
p. I-1577, point 43). Toute limitation du droit d duction de la TVA a une
incidence sur le niveau de la charge fiscale et doit s'appliquer de mani re similaire
dans tous les tats membres. En cons quence, des d rogations ne sont permises
que dans les cas express ment pr vus par la directive (arr t BP Soupergaz, pr cit ,
point 18).
35 C'est dans ce cadre que doit tre appr ci e la port e de la d cision 89/487,
adopt e sur le fondement de l'article 27 de la sixi me directive, selon lequel un
tat membre peut tre autoris introduire des mesures particuli res d rogatoires
la sixi me directive afin de simplifier la perception de la taxe ou d' viter
certaines fraudes ou vasions fiscales.
36 Cette d cision autorise la R publique fran aise d roger aux r gles de la sixi me
directive en ce qui concerne le principe g n ral du droit d duction de la TVA
nonc l'article 17 de ladite directive.
37 Dans la mesure o elle est fond e sur l'article 27 de la sixi me directive, il y a lieu
de consid rer que la d cision 89/487, nonobstant les termes g n raux de la
d rogation accord e la R publique fran aise, autorise cette derni re
introduire dans son ordre juridique national, en ce qui concerne les d penses de
logement, de r ception, de restaurant et de spectacles, des exclusions du droit
d duction de la TVA qui n' taient pas pr vues par sa l gislation au moment de
l'entr e en vigueur de la sixi me directive.
38 Une telle interpr tation est fond e sur le libell de l'article 27 de la sixi me
directive, qui utilise le terme introduire et doit tre lu en combinaison avec
l'article 17, paragraphe 6, second alin a, de la m me directive, qui autorise le
I - 7067
ARR T DU 19. 9. 2000 — AFFAIRES JOINTES C-177/99 ET C-181/99
maintien par les tats membres des exclusions du droit d duction pr vues par
leur l gislation nationale au moment de l'entr e en vigueur de la sixi me directive.
39 cet gard, il y a lieu de relever que les exclusions du droit d duction de la TVA
existant pr alablement l'entr e en vigueur de la sixi me directive ont
ult rieurement t maintenues l'identique dans le droit fran ais, lequel a par
ailleurs tendu l'exclusion du droit d duction certaines autres situations. Dans
ces conditions, les d penses qui taient d j exclues du droit d duction de la
TVA en application du d cret n 67-604 doivent tre consid r es comme
couvertes par la clause de standstill de l'article 17, paragraphe 6, second
alin a, de la sixi me directive.
40 La d rogation accord e par la d cision 89/487 concerne donc en r alit , d'une
part, les d penses de logement, de r ception, de restaurant et de spectacles
engag es au profit de tiers l'entreprise, qui n' taient pas vis es par le d cret
n 67-604, et, d'autre part, celles des d penses du m me type engag es au profit
des dirigeants ou du personnel de l'entreprise qui n' taient pas couvertes par
l'exclusion r sultant du d cret n 67-604. A ce sujet, il est utile de relever que le
d cret n 67-604 excluait du droit d duction de la TVA les d penses expos es
pour assurer le logement des dirigeants ou du personnel de l'entreprise, sans
distinguer selon qu'elles avaient t engag es des fins professionnelles ou pour
r pondre des besoins individuels, et les d penses de r ception, de restaurant et
de spectacles expos es pour assurer la satisfaction des besoins individuels des
dirigeants ou du personnel de l'entreprise.
41 La port e de la d rogation accord e par la d cision 89/487 ayant t pr cis e, il
convient d'examiner la question de la validit de cette d cision au regard du
principe de proportionnalit , ainsi que le demandent les juridictions de renvoi.
I - 7068
AMPAFRANCE ET SANOFI
Sur la validit de la d cision 89/487
42 A titre liminaire, il convient de rappeler que le principe de proportionnalit ayant
t reconnu par une jurisprudence constante de la Cour comme faisant partie des
principes g n raux de droit communautaire (voir, notamment, arr t du 11 juillet
1989, Schr der, 265/87, Rec. p. 2237, point 21), le contr le de la validit des
actes des institutions communautaires peut tre effectu l'aune de ce principe
g n ral du droit (arr t du 15 avril 1997, Bakers of Nausea, C-27/95, Rec.
p. I-1847, point 17).
43 Pour ce faire, il convient d'examiner si les dispositions que contient la d cision
89/487 sont n cessaires et appropri es la r alisation de l'objectif sp cifique
qu'elles poursuivent et si elles affectent le moins possible les objectifs et les
principes de la sixi me directive.
44 Ampafrance et Sanofi, qui concluent l'invalidit de la d cision 89/487,
soutiennent en premier lieu qu'elle recourt des moyens disproportionn s pour
lutter contre la fraude et l' vasion fiscales dans la mesure o elle introduit une
exclusion g n rale et syst matique du droit d duction de la TVA, fond e sur la
pr somption d'un risque de fraude ou d' vasion fiscales d coulant du caract re
mixte (priv et professionnel) des d penses concern es. Il serait, en effet,
disproportionn d'exclure du droit d duction certaines d penses au nom de la
lutte contre la fraude et l' vasion fiscales sans avoir prouver qu'un risque de
fraude ou d' vasion fiscales existe r ellement et sans permettre l'assujetti de
d montrer l'absence de fraude ou d' vasion fiscales en tablissant que les
d penses engag es l'ont bien t des fins professionnelles.
45 Ampafrance ajoute que, conform ment l'arr t du 29 mai 1997, Skripalle
(C-63/96, Rec. p. I-2847, point 30), le Conseil ne pouvait autoriser l'introduction
de d rogations nationales visant la r alisation d'objectifs autres que ceux
enum r s limitativement l'article 27 de la sixi me directive. Or, en demandant
au Conseil l'autorisation de d roger aux r gles de la sixi me directive, les
autorit s fran aises n'auraient pas cherch lutter contre les risques de fraude et
I - 7069
ARR T DU 19. 9. 2000 — AFFAIRES JOINTES C-177/99 ET C-181/99
d' vasion fiscales, mais mettre en place un m canisme leur permettant de ne
plus v rifier le caract re professionnel ou non de certaines d penses.
46 Ampafrance et Sanofi soutiennent en deuxi me lieu que la d cision 89/487 est
contraire au principe de proportionnalit parce que l'objectif qu'elle poursuit
pourrait tre atteint par d'autres moyens, moins attentatoires aux principes et
objectifs de la sixi me directive. Ainsi, il existerait en droit fran ais d'autres
mesures qui permettraient aux autorit s fiscales de faire face efficacement au
probl me de la fraude et de l' vasion fiscales et qui seraient moins contraignantes
pour les assujettis qu'une exclusion g n rale et syst matique du droit d duction
de la TVA aff rente aux d penses litigieuses.
47 Les demanderesses au principal soulignent d'abord, cet gard, qu'il existait d j
en droit fran ais une disposition excluant la d ductibilit de la TVA pour les
d penses engag es par des assujettis des fins priv es. L'article 230, paragraphe
1, de l'annexe II du code g n ral des imp ts pr voirait ainsi que la TVA ayant
grev les biens et les services que les assujettis acqui rent ou se livrent euxm mes
n'est d ductible que si ces biens et services sont n cessaires
l'exploitation.
48 Ensuite, Ampafrance fait valoir qu'il existe en droit fran ais un syst me de
contr le efficace des d penses concern es, savoir celui pr voyant l'obligation de
produire un relev d taill des frais g n raux (l'imprim n 2067), joint la
d claration annuelle de r sultats. Ce relev comprend cinq cat gories de frais
g n raux, en ce compris les frais de restauration et de spectacles.
49 Enfin, les demanderesses au principal rel vent que, suivant les dispositions du
droit fran ais relatives l'imp t sur les soci t s (article 39.1.1 du code g n ral
des imp ts), les d penses de logement, de restaurant, de r ception et de spectacles
ayant un caract re professionnel peuvent tre d duites du b n fice imposable
l'imp t sur les soci t s, s'il est d montr qu'elles ont t engag es dans l'int r t de
l'entreprise. Il ressort du jugement de renvoi dans l'affaire C-181/99 que la
I - 7070
AMPAFRANOE ET SANOFI
d duction de telles d penses des b n fices imposables fait l'objet d'un contr le de
leur caract re professionnel, sur pi ce ou sur place, par les services fiscaux sous le
contr le du juge de l'imp t.
50 En dernier lieu, selon Sanofi, il ressort du quatri me consid rant de la d cision
89/487 que l'autorisation accord e la R publique fran aise d'introduire des
mesures d rogeant aux r gles de la sixi me directive relatives au droit d duction
de la TVA ne pouvait l' tre qu' titre temporaire et au plus tard jusqu' la mise en
vigueur des r gles communautaires qui d termineront les d penses n'ouvrant pas
droit d duction. L'incapacit du Conseil adopter les dispositions pr vues
l'article 17, paragraphe 6, premier alin a, de la sixi me directive aurait fait
perdurer cette situation provisoire, de telle mani re que la d rogation serait
in vitablement devenue disproportionn e par rapport au but qu'elle poursuivait.
51 Le gouvernement fran ais, le Conseil et la Commission contestent ces arguments.
52 En premier lieu, pour le Conseil et le gouvernement fran ais, la d cision 89/487 se
justifierait ind pendamment de la constatation d'une intention ou de l'existence
de fraude ou d' vasion fiscales syst matiques. En effet, par leur nature m me, les
d penses de logement, de r ception, de restaurant et de spectacles pourraient tre
utilis es comme moyen de fraude et d' vasion fiscales en raison du risque de
consommation finale en franchise de taxe, difficilement contr lable par
l'administration dans la mesure o il serait peu ais de d terminer si de telles
d penses ont t engag es pour satisfaire des besoins professionnels ou priv s. Il
serait pertinent cet gard que l'article 17, paragraphe 6, premier alin a, de la
sixi me directive dispose que les r gles communautaires adopter excluront en
tout tat de cause du droit d duction de la TVA les d penses n'ayant pas un
caract re strictement professionnel, telles que les d penses de luxe, de divertissement
et de repr sentation.
53 En deuxi me lieu, pour le gouvernement fran ais, le Conseil et la Commission,
l'exclusion du droit d duction de la TVA pour les d penses de logement, de
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ARR T DU 19. 9. 2000 — AFFAIRES JOINTES C-177/99 ET C-181/99
r ception, de restaurant et de spectacles ne serait pas un moyen disproportionn
au regard de l'objectif de lutte contre la fraude et l' vasion fiscales d fini
l'article 27 de la sixi me directive dans la mesure o , en l'esp ce, l'exclusion du
droit d duction aurait t express ment limit e aux situations dans lesquelles
existent des risques r els de fraude et d' vasion fiscales, qui correspondent aux
situations dans lesquelles il est impossible de d terminer la nature professionnelle
ou priv e des d penses.
54 Le gouvernement fran ais et la Commission font valoir, ce sujet, que, dans leur
demande de d rogation, les autorit s fran aises ont limit l'exclusion du droit
d duction de la TVA aux d penses pour lesquelles existe un risque s rieux de
fraude et d' vasion fiscales puisqu'elles ont demand que l'autorisation d'exclusion
du droit d duction ne s'applique pas trois situations, dans lesquelles
pareil risque de fraude ou d' vasion fiscales n'existe pas. Le Conseil se fonde sur
les m mes arguments pour conclure que la d cision 89/487, qui reproduit
textuellement la demande du gouvernement fran ais, satisfait aux exigences
formul es par la Cour en mati re de proportionnalit des moyens mis en oeuvre
avec les objectifs poursuivis.
55 En dernier lieu, selon le Conseil et le gouvernement fran ais, l'exclusion du droit
d duction de la TVA pour les d penses vis es par la d cision 89/487 constitue
un moyen n cessaire pour atteindre efficacement l'objectif poursuivi. Le Conseil
reconna t que d'autres mesures taient envisageables, telle la limitation forfaitaire
du montant des d ductions autoris es. Cette mesure ne lui semble toutefois pas
efficace, car elle pourrait soit avoir un impact minimal sur la situation des
assujettis, dans le cas o le forfait serait fix un niveau tr s bas, soit ne pas
atteindre l'objectif poursuivi, dans le cas inverse d'un forfait tr s lev . Le
gouvernement fran ais, quant lui, fait valoir que l'exclusion du droit
d duction de la TVA pour les d penses de logement, de r ception, de restaurant et
de spectacles est n cessaire pour atteindre l'objectif de lutte contre la fraude et
l' vasion fiscales, d fini l'article 27 de la sixi me directive, dans la mesure o il
n'existerait pas d'autres moyens satisfaisants permettant de v rifier la nature des
d penses en question.
I - 7072
AMPAFRANCE ET SANOFI
56 Quant l'argument selon lequel l'exclusion du droit d duction serait justifi e
par l'impossibilit de contr ler efficacement la nature professionnelle ou non des
d penses litigieuses et poursuivrait d s lors un objectif de lutte contre la fraude et
l' vasion fiscales, il convient de relever qu'il peut s'av rer difficile d'op rer une
ventilation entre la partie priv e et la partie professionnelle de d penses telles que
les d penses de logement, de restaurant, de r ception et de spectacles, et ce m me
lorsqu'elles sont engag es dans le cadre du fonctionnement normal de l'entreprise.
Il n'est pas contestable que puisse exister un risque de fraude ou d' vasion
fiscales justifiant des mesures particuli res du type de celles dont l'article 27 de la
sixi me directive permet l'introduction. Toutefois, ce risque n'existe pas lorsqu'il
ressort de donn es objectives que les d penses ont t engag es des fins
strictement professionnelles.
57 Pour cette raison, les arguments avanc s par le gouvernement fran ais, le Conseil
et la Commission et rappel s aux points 53 et 54 du pr sent arr t ne sauraient
tre retenus. En effet, force est de constater que, en d pit des trois exceptions
l'exclusion mentionn es son article 1er, paragraphe 2, la d cision 89/487
autorise la R publique fran aise refuser aux op rateurs conomiques le droit de
d duire la TVA grevant des d penses dont ils peuvent d montrer le caract re
strictement professionnel.
58 Il en r sulte que l'application du syst me d'exclusion du droit d duction
qu'autorise la d cision 89/487 peut conduire l'interdiction de d duire la TVA
aff rente des d penses professionnelles des entreprises et donc soumettre la
TVA certaines formes de consommation interm diaire, ce qui est contraire au
principe du droit d duction de la TVA qui garantit la neutralit de cette taxe.
59 En ce qui concerne le caract re n cessaire de l'exclusion du droit d duction qui
a t demand e, il faut relever, d'une part, que la d cision 89/487 n'indique pas
les raisons pour lesquelles la d rogation demand e par le gouvernement fran ais
tait n cessaire pour viter certaines fraudes ou vasions fiscales.
I - 7073
ARR T DU 19. 9. 2000 — AFFAIRES JOINTES C-177/99 ET C-181/99
60 D'autre part, il y a lieu de rappeler que, pour qu'un acte communautaire
concernant le syst me de la TVA soit conforme au principe de proportionnalit ,
les dispositions qu'il contient doivent tre n cessaires la r alisation de l'objectif
sp cifique qu'il poursuit et affecter le moins possible les objectifs et les principes
de la sixi me directive.
61 Or une mesure consistant exclure par principe l'ensemble des d penses de
logement, de r ception, de restaurant et de spectacles du droit d duction de la
TVA, lequel constitue un principe fondamental du syst me de TVA mis en place
par la sixi me directive, alors que des moyens appropri s, moins attentatoires ce
principe qu'une exclusion du droit d duction s'agissant de certaines d penses,
sont envisageables ou existent d j dans l'ordre juridique national, n'appara t pas
n cessaire pour lutter contre la fraude et l' vasion fiscales.
62 Sans qu'il appartienne la Cour de se prononcer sur l'ad quation d'autres
moyens de lutter contre la fraude et l' vasion fiscales qui pourraient tre
envisag s, parmi lesquels la limitation forfaitaire du montant des d ductions
autoris es ou un contr le calqu sur celui op r dans le cadre de l'imp t sur le
revenu ou de l'imp t sur les soci t s, il y a lieu de pr ciser que, dans l' tat actuel
du droit communautaire, une l gislation nationale excluant du droit d duction
de la TVA les d penses de logement, de r ception, de restaurant et de spectacles
sans qu'il soit possible l'assujetti de d montrer l'absence de fraude ou d' vasion
fiscales afin de b n ficier du droit d duction ne constitue pas un moyen
proportionn l'objectif de lutte contre la fraude et l' vasion fiscales et affecte
excessivement les objectifs et principes de la sixi me directive.
63 En cons quence, il y a lieu de r pondre aux questions pr judicielles des tribunaux
administratifs de Nantes et de Melun que la d cision 89/487 est invalide.
I - 7074
AMPAFRANCE ET SANOFI
Sur la limitation dans le temps des effets de l'arr t
64 Lors de l'audience, le gouvernement fran ais a voqu la possibilit pour la Cour,
dans l'hypoth se o elle estimerait que la d cision 89/487 est contraire au
principe de proportionnalit , de limiter dans le temps les effets du pr sent arr t.
65 A l'appui de cette demande, le gouvernement fran ais a invoqu la protection de
la confiance l gitime qu'il pouvait nourrir l' gard de la conformit au droit
communautaire de la d cision 89/487. Il observe cet gard qu'il a respect le
cadre prescrit par l'article 27 de la sixi me directive afin d'obtenir d'abord l'aval
de la Commission, puis une d cision du Conseil autorisant les autorit s fran aises
appliquer, titre d rogatoire et dans l'attente de l'adoption du r gime
harmonis concernant les exclusions du droit d duction de la TVA, une
exclusion du droit d duction concernant les d penses de logement, de
restaurant, de r ception et de spectacles engag es au profit de tiers l'entreprise.
L'aval de la Commission et la d cision du Conseil auraient fait na tre, dans le chef
du gouvernement fran ais, des espoirs infond s quant la conformit avec le
droit communautaire de la d cision 89/487.
66 Il convient de souligner que ce n'est qu' titre exceptionnel que la Cour peut, par
application d'un principe g n ral de s curit juridique inh rent l'ordre juridique
communautaire, tre amen e limiter la possibilit pour tout int ress d'invoquer
une disposition qu'elle a interpr t e en vue de mettre en cause des relations
juridiques tablies de bonne foi. Cette limitation ne peut tre admise, selon la
jurisprudence constante de la Cour, que dans l'arr t m me qui statue sur
l'interpr tation sollicit e. Pour d cider s'il y a lieu ou non de limiter la port e d'un
arr t dans le temps, il faut prendre en consid ration le fait que, si les
cons quences pratiques de toute d cision juridictionnelle doivent tre pes es
avec soin, on ne saurait cependant aller jusqu' infl chir l'objectivit du droit et
I - 7075
ARR T DU 19. 9. 2000 — AFFAIRES JOINTES C-177/99 ET C-181/99
compromettre son application future en raison des r percussions qu'une d cision
de justice peut entra ner pour le pass (arr ts du 2 f vrier 1988, Blaizot, 24/86,
Rec. p. 379, points 28 et 30, et du 16 juillet 1992, Legros e.a., C-163/90, Rec.
p. I-4625, point 30).
67 Pour ce qui est de la pr sente affaire pr judicielle, il convient de relever que le
principe de la confiance l gitime est invoqu pour la premi re fois par un
gouvernement l'appui d'une demande de limitation dans le temps des effets d'un
arr t. Ce principe, qui est le corollaire du principe de s curit juridique (arr ts du
15 f vrier 1996, Duff e.a., C-63/93, Rec. p. I-569, point 20, et du 18 mai 2000,
Rombi et Arkopharma, C-107/97, Rec. p. I-3367, point 66), est en r gle g n rale
invoqu par les particuliers (op rateurs conomiques) se trouvant dans un tat de
confiance l gitime cr par les pouvoirs publics (voir, par exemple, arr t Duff e.a.,
pr cit , point 22 et la jurisprudence cit e). Ainsi que l'a indiqu l'avocat g n ral
au point 83 de ses conclusions, le principe de la confiance l gitime ne saurait tre
invoqu par un gouvernement pour chapper aux cons quences d'une d cision de
la Cour constatant l'invalidit d'un acte communautaire, car il remettrait en
cause la possibilit pour les particuliers d' tre prot g s contre un comportement
des pouvoirs publics qui aurait pour fondement des r gles ill gales.
68 En tout tat de cause, m me si, en l'esp ce, la Commission et le Conseil ont
avalis la demande des autorit s fran aises de d roger aux r gles de l'article 17 de
la sixi me directive pour des raisons de lutte contre la fraude et l' vasion fiscales,
la jurisprudence de la Cour impose clairement au droit d riv de respecter les
principes g n raux du droit communautaire et, notamment, le principe de
proportionnalit (voir, en ce sens, arr ts du 5 juillet 1977, Bela-Mühle, 114/76,h
Rec. p. 1211, point 7, et du 11 juin 1998, Grandes sources d'eaux min rales
fran aises, C-361/96, Rec. p. I-3495, point 30). En particulier, la Cour a d j jug
qu'une mesure fond e sur l'article 27 de la sixi me directive et visant viter des
fraudes ou vasions fiscales ne pouvait d roger un principe pos par la sixi me
I - 7076
AMPAFRANCE ET SANOFI
directive que dans les limites strictement n cessaires pour atteindre cet objectif
(voir, en ce sens, arr t du 10 avril 1984, Commission/Belgique, 324/82, Rec.
p. 1861, point 29) et devait donc respecter le principe de proportionnalit .
69 En l'occurrence, les autorit s fran aises ont largement contribu la d termination
du contenu de la d cision 89/487, laquelle reproduit litt ralement les termes
de leur demande de d rogation (points 9 et 10 de la lettre du 13 avril 1989), avec
pour effet d'autoriser, en tant que mesure particuli re destin e viter la fraude et
l' vasion fiscales, l'exclusion du droit d duction de la TVA acquitt e en amont
m me lorsqu'il s'agit de d penses dont le caract re strictement professionnel peut
tre d montr . Dans ces circonstances, les autorit s fran aises ne pouvaient
ignorer que, de par son contenu, la d cision 89/487 n' tait pas conforme au
principe de proportionnalit et, en cons quence, ne sauraient arguer de ce qu'elles
pouvaient raisonnablement penser que ladite d cision tait valide.
70 Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de limiter les effets du pr sent arr t dans le
temps.
Sur les d pens
71 Les frais expos s par le gouvernement fran ais, par le Conseil et par la
Commission, qui ont soumis des observations la Cour, ne peuvent faire l'objet
d'un remboursement. La proc dure rev tant, l' gard des parties au principal, le
caract re d'un incident soulev devant les juridictions nationales, il appartient
celles-ci de statuer sur les d pens.
I - 7077
ARR T DU 19. 9. 2000 — AFFAIRES JOINTES C-177/99 ET C-181/99
Par ces motifs,
LA COUR (cinqui me chambre)
statuant sur les questions elle soumises par les tribunaux administratifs de
Melun, par jugement du 3 d cembre 1998, et de Nantes, par jugement du 11 mai
1999, dit pour droit:
La d cision 89/487/CEE du Conseil, du 28 juillet 1989, autorisant la R publique
fran aise appliquer une mesure d rogatoire l'article 17 paragraphe 6
deuxi me alin a de la sixi me directive 77/388/CEE en mati re d'harmonisation
des l gislations des tats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, est
invalide.
Edward Sev n Kapteyn
Ragnemalm Wathelet
Ainsi prononc en audience publique Luxembourg, le 19 septembre 2000.
Le greffier
R. Grass
Le pr sident de la cinqui me chambre
D. A. O. Edward
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